Sélectionner une page

Dans les 10 dernières années, certaines entreprises ont appris à utiliser les algorithmes d’intelligence artificielle afin de créer de nouveaux modèles d’affaires. A quoi ressemblent-t-ils? En quoi l’intelligence artificielle joue-t-elle un rôle critique? Comment faire évoluer son modèle d’affaire vers le business 4.0? Toute ces questions, nous tentons d’y répondre dans cet article 😅

Business models

En 2021, nous avons envie de penser qu’il y a autant de modèles d’affaires que d’entreprises. Chacun à sa particularité, sa façon de faire et essaye de se distinguer de la concurrence. Pour ouvrir une conversation, nous allons tout de même les regrouper en quatre grandes catégories selon leurs degrés de digitalisation. Une manière simple de faire cela est de s’intéresser aux canaux d’accès qu’à l’entreprise avec le client. Cette catégorisation est l’oeuvre du professeur Wolfgang Henseler.

Business 1.0 – monocanal

Le business 1.0 se caractérise selon moi par une digitalisation minimale. C’est par exemple l’épicerie du coin, ou le boulanger de ma rue qui possède une recette de pain qui se transmet de père en fils depuis six générations. L’accent est mis sur le produit et les clients y accèdent souvent via l’établissement. Le site web (s’il existe…) permet essentiellement de fournir les coordonnées du magasin. D’autre part, l’entreprise peut posséder des outils informatiques internes pour ses opérations, comme un logiciel de comptabilité dans le cas de notre boulanger.

Business 2.0 – multicanal

Dans ce cas de figure, l’entreprise décide d’avoir une réelle stratégie digitale. C’est le début des années 2000 et l’essor d’internet. La priorité est mise sur le site web. Lorsque ceci est bien fait, on n’a plus besoin de l’enseigne et le client interagit avec le produit via le site. L’exemple prototypique est le commerce en ligne et on se rappellera l’histoire désastreuse de pets.com. Malgré cela, certains acteurs conservent des établissements physiques. Cependant, les enseignes physiques servent une autre cause à partir de ce stade-là. Prenez par exemple le cas des Apple Store. Leurs magasins n’ont pas pour fonction de vendre les produits de la marque, mais pour servir les clients ou encore de promouvoir l’image de la marque.

Business 3.0 – Omnicanal

Le smartphone a imposé au business de se réinventer à nouveau. L’entreprise doit gérer maintenant l’utilisateur à travers des canaux différents. C’est le cas des magasins en ligne les plus évolués comme Galaxus par exemple. En rentrant du travail, je commence à regarder sur mon smartphone un article, je le mets dans mon panier. Ce n’est qu’une fois devant l’écran que je décide de passer commande. En me reconnectant à mon compte, je retrouve mon panier et rempli mes coordonnées bancaires. Je suis tellement impatient, que je vais chercher ma commande au magasin le lendemain sur le chemin du boulot. A ce stade-là, l’entreprise doit gérer l’expérience du client depuis de multiples appareils et de façon intégrée. Cette expérience est maintenant standard sur internet. On doit se créer un compte pour tout et c’est à cause de ceci que j’ai 142 logins dans Bitwarden, mon gestionnaire de mots de passe open source et gratuit 😅

Aussi évolué soit le business dans la digitalisation de l’expérience avec son client, il n’en démord pas que le modèle d’affaire reste centré sur son produit. La manière dont le client y accède évolue, mais au final le client doit savoir ce qu’il veut et aller se procurer le produit d’une façon ou d’une autre.

Business 4.0 – Smart Ecosystem

La maturité du métier évolue avec un changement de paradigme. Dans un marché de plus en plus concurrentiel, le produit n’est pas suffisant pour se démarquer. On s’intéresse ainsi à l’expérience de l’utilisateur. Concrètement, le produit va devoir s’intégrer dans l’écosystème de l’utilisateur et potentiellement s’interfacer avec d’autres produits et solutions que ce dernier possède. Amazon est très fort dans le domaine. Pour tout article acheté, l’utilisateur reçoit des recommandations d’autres articles qui pourraient l’intéresser et aller de pair. Apple a compris aussi qu’on peut vendre un écosystème et une expérience utilisateur plutôt que de simples produits. Contrairement à Apple, la plupart des business vont cependant devoir interagir avec d’autres acteurs.

L’exemple le plus parlant d’un smart ecosystem est visible aujourd’hui selon moi dans les transports publics. Par le passé, on achetait un ticket de transport. Avec ce ticket, on avait accès à un certain mode de transport allant d’un point de départ à un point d’arrivée. Aujourd’hui, les sociétés de transports publiques ont évolué et proposent une multitude de billets (trajet, zone tarifaire, carte journalière, etc.) au point où il existe plusieurs possibilités de titres de transports pour un même service. Ainsi émerge la société Fairtiq qui propose d’effectuer l’achat du billet à la fin de la course et au meilleur prix possible. L’application mobile va traquer les déplacements en transports publiques de la personne entre son point de départ et son point d’arrivée. Ainsi elle va lui proposer le titre de transport le plus approprié. Cette nouvelle façon de voyager remet l’utilisateur au centre de son expérience. On utilise les capteurs GPS pour proposer le tarif le plus avantageux et le plus pertinent pour lui.

Lorsque l’Intelligence Artificielle s’en mêle

Afin de proposer une telle expérience utilisateur, l’intelligence artificielle possède un rôle important. Dans un business 1.0, le produit est central. Le marketing du business 1.0 part du produit et essaye de le placer auprès des clients. Avec de l’expérience et du savoir-faire métier, le produit est convaincant et les clients vont vouloir se le procurer. Cependant, beaucoup d’effort investi est vain et les taux de conversion sont souvent faibles.

En revanche, le marketing dans un business 4.0 est fondamentalement différent. On est centré sur l’utilisateur et ce dernier nous sert de point de départ. L’utilisateur va générer à travers ces comportements des données qui vont être recueillies à l’aide de capteurs judicieusement pensés. Ces données vont ensuite alimenter une intelligence artificielle qui va prédire le besoin de l’utilisateur. L’application Fairtiq illustre parfaitement ce type de marketing.

Un autre exemple serait celui des Gestionnaires des Réseaux de Distribution (GRD), i.e. les fournisseurs d’énergies comme l’électricité, le gas, l’eau, etc. La transition énergétique allant de bon train ainsi que la libéralisation du marché imminente crée un contexte qui force les GRD de réinventer leur modèle d’affaire. A l’heure actuelle, la majorité des clients sont captifs et les GRD ont le monopole pour leur région. Cependant, ceci ne sera plus le cas dans quelques années. L’utilisateurs aura le choix de son fournisseur d’énergie. D’autre part, les énergies stochastiques comme l’éolien et le solaire sont en expansion. Elles viennent, comme leur nom l’indique, avec leurs lots d’incertitudes et de variance en matière de production.

De manière simplifiée, le modèle d’affaire actuel des GRD est de vendre l’électricité, le gaz, l’eau, etc. à l’unité (respectivement au kWh, kg, litre, etc.). Cependant, pour une grande majorité des consommateurs ceci ne leur parle pas. Si je vous demande, combien de kWh ou de litres d’eau vous consommez par mois, êtes-vous en mesure de me répondre? Malheureusement, la majorité des locataires comme moi n’ont pratiquement aucune idée des volumes consommés par mois.

Vers un changement de paradigme…

La transition d’un modèle d’affaire vers celui d’un business 4.0 s’accompagne par un changement de paradigme; celui de se centrer sur l’expérience de l’utilisateur. Prenons par exemple un parking intelligent, à l’aide de technologie comme le Vehicle-to-Grid (V2G), un modèle d’affaire récent suggère d’utiliser les voitures comme des piles afin de stocker d’une part l’énergie des panneaux électriques et de recharger les autres voitures d’autre part. Ainsi, un pendulaire peut arriver au parking le matin, brancher sa voiture électrique et confirmer dans une application mobile qu’il ne va partir qu’à 17:00. De la sorte, une IA sait que pour 17:00 elle doit avoir rechargé la voiture. De plus, elle peut utiliser la batterie de cette dernière durant la journée pour en recharger d’autres si jamais il y a quelques nuages durant la journée, réduisant ainsi le tarif pour l’usager. Naturellement, ce genre de modèle d’affaires s’appuient lourdement sur l’intelligence artificielle et les données. En conclusion, j’espère vous avoir illustré comment à l’avenir le GRD ne sera plus uniquement un revendeur d’agents énergétiques, mais vendra surtout une expérience énergétique pour son client.

En règle générale, ce changement de paradigme vers une expérience centrée sur l’utilisateur vient accompagné d’une plus grande maturité analytique. Une entreprise ne crée pas un business model 4.0 du jour au lendemain. Il faut pour cela cultiver au sein de son entreprise une littératie des données, conceptualiser les données de son entreprise comme une ressource stratégique, soutenir les décisions à l’aide de ces dernières et se centrer de plus en plus sur l’expérience utilisateur. Ce processus est au final un investissement auprès des employés à tous les niveaux et peut prendre du temps; mais n’en vaut-il pas la chandelle?

CFO asks CEO: “What happens if we invest in developing our people and then they leave us?”

CEO: “ What happens if we don’t, and they stay?”