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Les dernières décennies ont été marquées par les progrès de l’intelligence artificielle. Il y a un peu plus de 20 ans, le superordinateur Deep Blue d’IBM a battu Gary Kasparov aux échecs. En 2011, la même entreprise a gagné au jeu télévisé Jeopardy! avec Watson. Quelques années plus tard, Google DeepMind’s a battu les champions du monde de Go à l’aide d’AlphaGo. Puis en 2017, une équipe de l’Université de Carnegie Mellon a réussi l’exploit de battre des champions du monde au poker avec Libratus. Par ailleurs, le marché est aujourd’hui submergé de solutions d’intelligence artificielle et de machine learning. Les acteurs importants sont aussi bien les géants du web comme Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft, etc. mais également des startups qui se positionnent sur des solutions pour des tâches spécifiques.

Il est légitime de se poser la question, pourquoi un tel succès seulement maintenant? Ce qui rend l’intelligence artificielle possible aujourd’hui est premièrement la puissance de calcul des ordinateurs. Cette dernière a explosé en quelques années. Par ailleurs, le cloud computing permet à n’importe quelle entreprise l’accès à de telles ressources. La deuxième cause de ce succès est la quantité de données ainsi que leurs diversités. Comme on verra par la suite, cette ressource est critique pour tous les algorithmes de machine learning. Finalement, ces algorithmes de machine learning dit auto-apprenant ont eux-mêmes atteint une grande maturité. Ces derniers ont notamment été adaptés afin de permettre l’utilisation efficace des puissances de calculs actuellement disponibles (cf. Apprentissage et Machine Learning).

Qu’est-ce que l’intelligence naturelle et artificielle?

Arrêtons-nous quelque peu sur la définition de l’intelligence, ainsi que celle de l’intelligence artificielle. La notion d’intelligence a été étudiée intensivement depuis le début du 20e siècle par une multitude de chercheurs. Bien que le concept pose encore beaucoup de questions, les psychologues s’accordent à définir l’intelligence comme étant la capacité mentale à apprendre de ses expériences, à s’adapter à de nouvelles situations, à comprendre et manipuler des concepts abstraits ainsi que d’utiliser ses connaissances pour influencer son environnement (Sternberg, R. (2018). Human intelligence. Retrieved from Encyclopaedia Britannica.). Par ailleurs, l’intelligence artificielle se définit comme étant la capacité d’un ordinateur à effectuer des tâches généralement associées à des êtres intelligents.

Il existe plusieurs types d’intelligences artificielles. L’approche classique est de préprogrammer tous les cas possibles en amont. On a ainsi une approche déterministe et un algorithme relativement compréhensible. Cette approche a notamment été utilisée dans l’algorithme de Deep Blue pour battre Kasparov aux échecs. L’algorithme d’IBM calculait simplement des mouvements en avance et utilisait un algorithme minmax pour évaluer la position qui lui serait la plus favorable. Évidemment, calculer tous les mouvements possibles est impossible. Le nombre total de coups aux échecs excède le nombre d’atomes dans l’univers. Ainsi, l’algorithme de Deep Blue calculait entre six et huit coups d’avance. A chacun de ces mouvements, il attribuait une évaluation à l’aide d’une fonction. Cette fonction a été codée à la sueur du front des développeurs et contenait plus de 8’000 cas. Aujourd’hui, la grande majorité des applications sur le marché implémentent de tels mécanismes. L’intelligence émerge simplement de la complexité de ces algorithmes. Par exemple, les moteurs de recherches, comme Google Search, ont pendant longtemps fonctionné avec une telle approche classique en utilisant notamment PageRank.

Cependant, les intelligences artificielles plus récentes comme Watson, AlphaGo et Libratus utilisent des algorithmes plus sophistiqués dit auto-apprenant, ou de Machine Learning, pour certaines tâches spécifiques. Prenant leurs fondements dans les statistiques, ces algorithmes prédictifs utilisent des données pour ajuster leurs paramètres. Ainsi on n’a plus besoin de rentrer les instructions lignes par lignes en fonction des cas, mais on initialise un modèle qui va ensuite être ajusté avec des données. L’algorithme est ainsi auto-apprenant dans la mesure où il va se façonner et s’adapter aux données afin d’essayer de fournir la réponse la plus optimale. Cette approche se distingue par rapport à la précédente car elle semble être très prometteuse. Cette courte vidéo ci-dessous illustre Watson battre les champions du monde de Jeopardy!.

Bien que les compétences de Watson soient époustouflantes, il faut comprendre que son intelligence artificielle est encore très loin de l’intelligence humaine. Notamment, il n’est pas capable de jouer aux échecs ou encore d’expliquer comme tailler un crayon. En réalité, Watson ne sait faire qu’une seule tâche, répondre à des questions de Jeopardy!.

Avec de telles avancées dans l’intelligence artificielle, on rencontre dans la croyance populaire qu’on est à l’aube de construire une intelligence artificielle générale. Une machine capable de réfléchir de la même façon qu’un humain, mais ayant aussi accès à d’autres modalités de pensée non-humaine. Une intelligence artificielle doté de conscience et d’autodétermination. Ainsi on imagine qu’on va perdre la main sur elle et qu’elle va même nous assujettir ou nous remplacer. Mis à part d’être une source inépuisable de scénarios de films de science-fiction, nous sommes encore très loin de voir réellement une telle intelligence artificielle générale. Je tends à croire que seul ceux qui ne comprennent pas comment fonctionnement les algorithmes de machine learning peuvent imaginer de telles choses.

Ainsi, plutôt que d’alimenter des conversations autour de scénarios catastrophes peu probable. J’estime qu’il est plus intéressant de se questionner sur les potentiels impacts de l’intelligence artificielle sur la société.

Vers une cognification de la société

Durant le 20e siècle, l’homme a délaissé la force naturelle au profit de la force artificielle. Il y a une centaine d’années, la plupart des travaux étaient exécutés à l’aide de force humaine ou animale. Ces efforts physiques sont aujourd’hui pratiquement tous robotisés, motorisés et électrifiés. Il est ainsi imaginable que durant le 21e siècle on va délaisser l’intelligence naturelle au profit de l’intelligence artificielle; ou du moins pour les tâches cognitives ne demandant pas beaucoup de réflexion. Ceci ne veut pas dire qu’on va devenir moins intelligent. Bien au contraire, je pense qu’on va devoir faire preuve de beaucoup plus d’esprit critique, de manier plus souvent des raisonnements abstraits et de laisser plus de place à la créativité. Dans tous les cas, notre conception d’intelligence risque d’évoluer, car le concept est biaisé par le contexte socioculturel.

L’ordinateur est bien plus performant que nous lorsqu’il s’agit par exemple de faire des calculs mathématiques. Cependant, il n’est pas encore capable de créativité et de raisonnement abstraits pour faire avancer la science ou analyser les pertes et profits d’une entreprise. Par ailleurs, beaucoup de tâches de mémoires sont remplacées par des disques durs permettant une plus grande fiabilité de récupération de l’information. Bien que ces exemples soient assez banals, ils posent déjà de sérieuses questions dans l’éducation. Comment enseigner les mathématiques afin d’utiliser le potentiel informatique? Quelle est l’utilité des connaissances générales dans une société digitalisée?

Selon le Professeur Andrew Ng de Stanford University, on peut probablement, ou pourra dans un futur proche automatiser à l’aide d’intelligence artificielle toute tâche cognitive qu’une personne normale peut faire en une seconde ou moins (Ng, A. (2016). What artificial intelligence can and can’t do right now. Retrieved from Harvard Business Review). C’est autour de cette règle générale que je vous invite à partager une conversation. Quelles sont ces tâches cognitives répétitives dont vous vous en passerez volontiers? Que peut faire pour vous cette nouvelle industrie intelligente?